samedi 10 mars 2007

Patriotisme et religion aux Etats Unis

Bonjour

Quel titre n'est ce pas ? Alors, je vous préviens tout de suite, ça risque d'être long ! Mais sachez qu'il y a de quoi écrire une thèse de doctorat sur le sujet ! Je vais être contraint d'être précis pour ne pas tomber dans la caricature grossière. Il s'agît d'un sujet très important ici. Il est l'objet de très nombreuses polémiques et autres actions judiciaires.

Pour vous en parler, je vais aborder l'une des composantes les plus importantes : le serment d'allégeance. Voici ce que récitent tous les matins les écoliers, les politiques et autres :

« Je jure fidélité au drapeau des États Unis d’Amérique et à la République qu’il incarne : une nation unie « Under God », indivisible, avec la liberté et la justice pour tous »

La mention "Under God" est assez difficile à traduire. Elle signifie à peu près "sous l'aile de Dieu". Il vaut donc mieux la laisser telle quelle car ce n'est pas une traduction exacte. Ce serment est le fruit d'un long processus de christianisation de l'identité nationale américaine. En voici brièvement l'histoire.

Ce serment fut créé à l'origine par le pasteur baptiste Francis Bellamy, qui se définissait comme un "socialiste chrétien". Il fut publié en 1892 pour la première fois sous la forme :
« Je jure fidélité à mon drapeau et à la République qu’il incarne : une nation unie, indivisible, avec la liberté et la justice pour tous ». L'objectif était de mettre en avant l'unité de la nation suite à la guerre civile qui avait fait rage. Il n'y eut pas un engouement extraordinaire pour ce serment. Puis il refit son apparition vers les années 20. En effet, confrontés à une grande vague migratoire, les Etats Unis virent croitre les mouvements réclamant une "américanisation" de ces populations immigrées, dont le très influant Ku Klux Klan.

A cette époque, certains Etats fédérés commencèrent à rendre obligatoire la récitation de ce serment par les écoliers. L'expression "mon drapeau" fut changée en "le drapeau des Etats Unis d'Amérique". Cette modification avait pour but d'empêcher les enfants d'immigrés de penser au drapeau de leur pays d'origine en le récitant. Bellamy exprima son désaccord, pensant que cette modifications entrainerai une dérive de son idée initiale, c'est à dire l'unification de la nation. Mais cette forme devint de plus en plus populaire et finit même par devenir un hymne officiel en 1942.

La référence religieuse ne viendra qu'après les années 50. En effet, la guerre froide fût la période durant laquelle les Américains assistèrent à une christianisation du discours politique. En 1952, Eisenhower déclara lors de son élection : « notre forme de gouvernement n’a pas de sens à moins qu’elle soit fondée sur une foi religieuse profonde, peu importe laquelle ». Et tout au long de son mandat, il va alors mener une véritable croisade en faveur de la religion, l'accompagnant d'un constant rappel de la menace du "communisme athée". Cette pensée va aller jusqu'à son paroxysme lors de la déclaration de la fin du monopole nucléaire Américain. C'est l'apparition de ce que l'on appelle le "MacCarthysme ", qui se traduit par une traque systématique de tout soutien au communisme. Même si son règne n'a pas duré, cette idéologie laissa des traces, et notamment l'aspect religieux de l'affaire.

C'est alors que va se dérouler un lobby sur les politiques pour faire adopter la mention "Under God" dans le serment d'allégeance. Mais l'homme qui va jouer une réelle importance dans cette adoption est le révérend George M. Docherty. Cette homme est à l'époque le pasteur de nombreux parlementaires. Voici ce qu'il va déclarer à propos du serment d'allégeance :
« Ce qui manque, c’est la caractéristique et le facteur définitif de du mode de vie américain. À l’exception de la mention "les États-Unis d’Amérique", cela pourrait être le serment de n’importe quelle république. En fait, je pourrai entendre les petits Moscovites réciter un serment similaire avec la même ferveur. La Russie est aussi une république qui prétend avoir renversé la tyrannie de la monarchie. La Russie aussi affirme être indivisible » Il conclu ce sermon en déclarant : « un athée Américain est une contradiction dans les termes »

Très vite, de nombreuses propositions vont arriver au Congrès. L'adoption de la mention "Under God" a alors été votée à l'unanimité. La seule proposition qui fût rejetée était un amendement déclarant explicitement l'autorité de Jesus-Christ sur la loi et la constitution. En 1956, "In God We Trust" ("Nous avons confiance en Dieu") devint la devise officielle des Etats Unis.

Depuis, ces textes sont très utiles pour justifier certaines actions. Par exemple, George W Bush utilise également un discours stigmatisant la menace contre les Etats Unis avant d'en appeler à la piété. Le créateur du serment d'allégeance, à la fin de sa vie, mettait en garde contre les dérives auxquelles conduisent l'association du pays avec Dieu. « Je considère toujours mon raisonnement comme valide, mais le temps pourrait avoir rendu mes arguments philosophiques non-pertinents compte tenu des grandes questions en jeu. Un faux patriotisme est né de la menace fantaisiste de l’expansion communiste. Le MacCarthysme a assombri les ondes radios, les superpatriotes ne se demandaient plus s’ils étaient bien du côté de Dieu mais affirmaient que Dieu était bien de leur côté. Tel qu’il est, le nouveau serment d’allégeance a servi de support à la religion civile qui a caractérisé le christianisme institutionnel des années 50 ».

Ainsi la religion et le patriotisme sont deux choses très liées aux Etats Unis. Et ce mariage est inculqué dès le plus jeune âge aux enfants Américains. Vous vous demandez surement pourquoi personne ne dit rien. Et bien si, beaucoup protestent, en particuliers les mouvements appelés "libres penseurs", qui tentent de nombreuses actions judiciaires afin de faire valoir l'aspect anticonstitutionnel de se serment. En effet, le premier amendement de la constitution des Etats Unis stipule que le pays ne possède aucune religion officielle. Hors, ce serment exclu les religions non monothéistes puisque qu'il parle de Dieu comme être unique. Il s'agit donc d'une contradiction avec cet amendement. Mais tous ces recours restent vains...

Voilà donc pour cette aspect de la civilisation Américaine. J'ai tenté d'être le plus précis possible et le plus objectif possible. En effet, on peut toujours critiquer cette position mais finalement, si l'on compare avec une certaine "loi sur la laïcité", on peut se demander si l'on est bien mieux. Car qu'en est-il vraiment des signes "ostensibles" chrétiens dans les lieux supposés laïques ? De même, faire apprendre au bambins la chansonnette de Rouget de Lisle, n'est ce pas du patriotisme poussé ?

Le rapport à Dieu et à la patrie sont certainement très fort ici. Mais avons nous cette impression parce qu'ils sont affirmés sans complexe ? Ce sont des questions que je me pose, pas des affirmations...

Désolé pour le roman, mais ces aspects m'intéressent beaucoup !

Je me dois de citer des sources pour la rédaction de cet article :
- Wikipédia, bien sûr !
- Article de Cédric Housez, paru sur le site voltairenet.org

A bientôt !

Sylvain

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime bien ta façon de donner simplement les faits, hormis les questions ouvertes à la fin je trouve dommage que tu n'ai pas plus exprimé ton avis ! Cependant, avoir un avis sur la question n'est pas simple, au Chili la religion est plus que présente, elle est indéniablement imprégnée dans chaque lieu et chaque être, il est difficile de déterminer si cela mène au bonheur du peuple, à son malheur,voir à son contrôle ? Je creuse la question ici, je donnerai mon avis et on en reparle.

Très joli article encore une fois, j'espère que tu codes aussi bien...

Get

Syeric a dit…

Merci :)

Il sera en effet pertinent de comparer nos perceptions, ces deux pays étant très différents !

Pour ce qui est de mon avis sur les questions ouvertes, je tiens à ce que mon blog n'exclue aucune sensibilité. Toutefois, peut être vais-je me motiver à créer un blog "dark-side of syeric" pour exprimer des avis plus personnels. ;-)

A+

Sylvain